Dans l’islam, les gens du livre ou ahl al-kitâb (arabe : ??? ??????) sont ceux à qui, selon le Coran, les écritures divines ont été révélées. Dans l’islam, le concept s’applique aux religions monothéistes préislamiques qui ont reçu la révélation (par conséquent « livre ») de Dieu. Pour les musulmans, ceci inclut au moins les chrétiens, les juifs et les Sabéens (une catégorie parfois identifiée aux mandéens).
Beaucoup de juristes des débuts de l’Islam, notamment Mâlik ibn Anas, fondateur de l’école malékite, conviennent aussi d’y inclure le zoroastrisme (d’ailleurs reconnu comme tel dans l’Iran actuel). Plus tard, l’interprétation légale a été étendue pour adapter le concept à d’autres non-musulmans vivant dans des pays musulmans (par exemple, Hindous en Inde), où le bénéfice du statut de dhimmi leur a été accordé (paiement de la jizyah, le statut de protection, liberté de culte, etc.), mais pas d’autres possibilités prévues pour les chrétiens, juifs et sabéens (par exemple, les hommes musulmans ne peuvent épouser des femmes hindoues sauf si elles se convertissent).
Cette idée est fondée sur l’universalisme qui caractérise l’Islam. Dans un hadith, Le Prophète déclare qu’il ne saurait y avoir de supériorité des Arabes sur les non-Arabes, et des non-Arabes sur les Arabes (Ibn Hanbal, al-Musnad, Vol. V, 441). Cette idée est par ailleurs corroborée par le verset coranique qui dit à propos du Prophète : « Nous ne t’avons envoyé que comme miséricorde pour les mondes ».
L’expression «Gens du Livre» (Ahl al-Kitab) est mentionnée 24 fois dans le Coran, en se référant aux chrétiens et aux juifs en particulier. Le contexte de ces références coraniques varie. Certains de ces versets louent les Gens du Livre pour leur probité, leurs bonnes actions et leur foi en l’au-delà (sourate 3/verset 113), tandis que d’autres versets leur reprochent de ne pas suivre la voie de Dieu (3/99). Un groupe de ces versets invite les Gens du Livre à un terrain d’entente entre eux et les musulmans (3/64). Un autre groupe de ces versets indique un lien intime entre les musulmans et les chrétiens (5/82).
Le lien entre les musulmans et les Gens du Livre ? les juifs et les chrétiens ? a été un sujet de discussion parmi les musulmans depuis des siècles. On peut facilement retrouver les racines œcuméniques de l’islam dans ce célèbre verset du Coran:
Dis : « O gens du Livre! Venez à une parole commune entre vous et nous: que nous n’adorions que Dieu, sans rien Lui associer, et que nous ne prenions point les uns les autres pour seigneur nul en dehors de Dieu ». (3/64) Ce verset, révélé pendant la 9ème année de l’hégire (en l’an 629), est l’un des plus grands appels œcuméniques de l’époque du Prophète.
En lisant le Coran, on constate que la Basmala marque le début de presque toutes les sourates du Coran . Dans cette expression, les attributs de Dieu qui sont mentionnés sont «le Très Miséricordieux, le Tout Miséricordieux». Par la récurrence de cette expression 113 fois dans le Coran, Dieu a voulu enseigner aux musulmans, entre autres, à être miséricordieux et cléments dans leurs rapports avec les autres êtres humains et avec les choses telles qu’elles ont été voulues par Dieu.
On peut aussi en trouver un écho dans les enseignements du Prophète avec le hadith suivant: «Quiconque est humble, Dieu l’exalte ; quiconque est hautain, Dieu l’humilie». Dans cette pensée qui se trouve au cœur de l’éthique islamique, on trouve une base au dialogue interreligieux. Le dialogue sera le résultat naturel de cette éthique islamique. Quelqu’un qui croit en sa propre supériorité ne viendra jamais sur la voie du dialogue. En revanche, le cas de celui qui s’abaisse volontairement est tout autre. Cette personne aura plus de chances de mettre à plat les différences avec les autres par le dialogue.
L’humilité est un attribut du musulman et on peut l’illustrer par un exemple qui survint entre Roumi et un prêtre chrétien. Selon cet exemple, un prêtre rendit visite à Roumi et voulut lui baiser les mains par respect. Or Roumi fut plus rapide et le devança en baisant les mains de ce prêtre. Parlant de cette histoire, Roumi affirma que même en humilité, il voulait être le premier. On voit en cela que le dialogue avec les fidèles des autres traditions religieuses fait donc partie intégrante d’une éthique islamique qui a souvent été négligée.
L’islam doit être vu comme une spiritualité qui se manifeste dans l’esprit, le cœur et la vie quotidienne, et ne doit pas être un prétexte pour l’esprit de parti, les haines nationales ou personnelles, et les sentiments d’hostilité égoïstes.
On peut à ce titre se référer à un événement historique qui arriva à l’époque du calife omeyyade Omar ibn Abd al-Aziz (Omar II) pour illustrer la bonne application des principes islamiques. L’histoire relate que les gouverneurs omeyyades prélevaient la jizya (impôt par tête) de leurs sujets non musulmans, et même de ceux qui avaient embrassé l’islam, soutenant qu’ils s’étaient convertis uniquement pour ne pas avoir à payer cet impôt. Quand Omar II vint au pouvoir, il mit son veto à cette pratique. Le gouverneur d’Egypte voulut être exempté de cette nouvelle règle et Omar II répondit dans une lettre: «Tu ne prélèveras pas d’impôt des anciens non-musulmans qui ont embrassé l’islam. Dieu le Tout-Puissant n’a pas envoyé le Prophète Mohammed comme collecteur d’impôt mais comme guide.»
On peut aussi citer un hadith qui dit: «Rendez facile (Yassiru) et non pas difficile (wala tu’assiru). Rendez aimable (habbibu) et annoncez de bonnes nouvelles (beshshiru), ne rendez pas détestable (walatunaffiru)».
Cette tradition prophétique ne saurait être accomplie que par l’amour et le dialogue avec les autres religions. En outre l’idée de dialogue est renforcée par le verset coranique suivant : O hommes ! Nous vous avons créés d’un mâle et d’une femelle, et Nous avons fait de vous des nations et des tribus, pour que vous vous entre-connaissiez. (49/13)
Enfin, ces considérations sur le rapport avec les gens du livre pointe vers la réalité du cheminement spirituel qui consiste à se concentrer sur la connaissance de son âme et de ses penchants. Comme l’indique un hadith que les maîtres soufis aiment à citer : « Ne déteste ni juif ni chrétien mais déteste l’âme charnelle qui se trouve en ton sein ».