« Quant aux poètes, ne les suivent que les fourvoyés
Ne vois-tu pas qu’ils brament dans toute vallée
et qu’ils disent ce qu’ils ne font pas ?
Exception faite de ceux qui croient, effectuent des œuvres salutaires, rappellent Dieu sans trêve…. » (Coran XXVI, 224-227)
Comme on peut le constater, Dieu met en garde contre une poésie « errante » mais nullement contre l’art poétique lui même.
« De la poésie découle une certaine sagesse » (Hadith rapporté par Al-Bukhârî 78-90)
Le poème composé en vers est une parole rythmée qui reflète l’harmonie du Cosmos rejoignant ainsi la louange, le verbe des anges. Elle élève ainsi une parole ordinaire au rang des réalités supérieures ; elle reconduit le mot à
Ainsi, comme toute chose qui vient et qui retourne à Dieu, le poète n’est véritablement poète que si son activité est tournée vers sa véritable source et cible et que son œuvre irradie une certaine luminosité.
Le poème sacré demeure un grand monument des expressions islamiques. Il ne mérite le nom de splendeur que par les saints. Etant au sommet de la spiritualité, il est normal que leurs poèmes soient le sommet de l’art poétique et qu’ils incarnent ainsi la gloire du legs culturel de la culture universelle….
Quelque puisse être la beauté formelle d’autres poèmes, ceux-ci restent quelque peu « plats » devant la plénitude de vie qui confère aux poèmes sacrés toute leur beauté. Dans l’Antiquité occidentale classique cette poésie prophétique était d’ailleurs appelée « langage des dieux ». C’est le langage des oiseaux, ces perles d’Eternité qui nous donnent des ailes.
Quelqu’un a dit : « L’abeille bourdonne jusqu’à ce qu’elle se pose sur la fleur. Dès qu’elle commence à sucer le miel, c’est le silence complet. Parfois, cependant, l’abeille, lorsqu’elle est ivre de miel, fait encore entendre un doux bourdonnement. De même, l’âme ivre de Dieu parle parfois pour le bien des autres »
Bien sûr, rien ne saurait égaler le poème dans sa langue originelle mais les traductions en donnent cependant un saisissant aperçu, suffisant d’ailleurs pour en entrevoir toute la beauté.
Poèmes de Abd al-Kader al-Jilânî,
JE SUIS L’AVOCAT DES FAIBLES
Je suis l’avocat des faibles et des rebelles.
J’implore le pardon pour les œuvres cruelles,
Dont l’horreur préserva ceux qui furent sanctifiés,
Et je demande à ceux qui furent ainsi sauvés
D’étendre leur amour à toute la race humaine,
Dont chaque membre est un frère dont nous portons la peine,
Et Que cette équité rachète nos péchés.
Je suis le dernier des serviteurs du Seigneur
Car le but que convoite mon intense ferveur,
C’est le salut des hommes par l’union des âmes ;
C’est l’unanimité d’une acclamation
Exaltant l’ardeur de mon intention,
Pour arracher le voile d’illusions et de larmes,
Qui nous masque
Et nous condamne aux feux qui consument nos cœurs.
L’homme pieux évolué jusqu’au degré sublime
Où son esprit atteint la vérité ultime,
S’il le veut, peut d’un mot ressusciter les morts,
Car par sa bouche commande Celui que tous adorent.
Je suis porteur de la « Bonne Nouvelle »
Espoir de chacun en l’Amour Eternel.
NE T’AI-JE PAS DIT ?
Ne t’ai-je pas dit : « En Ma Présence demeure ! »
Sinon, chaque minute par toi vécue ailleurs
Te fera connaître : déboires, risques et malheurs ? »
Ne t’ai-je pas dit, Ô mon serviteur !
Que dans les deux mondes, seul ton Seigneur
Est l’unique administrateur ?..
Près de qui irais-tu quérir ta subsistance ?…
Ceux sur qui tu fondrais cette vaine créance.
Sont tous plus dépourvus et dépouillés que toi !
Adresse donc à Moi seul tes requêtes et ta Foi.
D’un autre palais, où seul avec toi Je serai.
Avec mes ennemis, ne prends place jamais !…
Leurs actes les plus prisés étant pour l’injustice,
Près d’eux tu n’obtiendrais qu’amers préjudices.
Le Refuge suprême que tu souhaites trouver,
Je l’ai établi dans le monde de sainteté.
Viens, te dis-je ! ne suis pas d’autres passions !
Du mal ne fuis pas non plus la brûlante leçon,
Car entre l’Amoureux et son Bien-Aimé
D’autres vicissitudes seront toujours créées
Pour éprouver son cœur et le sanctifier.
Pour que tu t’évades de cette geôle opprimante,
De temps à autre Ma Pensée vigilante
Te fera te réjouir de Ses Salutations.
Confiant, reçois encore sans nulle lamentation
La flèche que le sort, dans sa sagesse habile,
Pour t’apprendre à dompter les reculs indociles,
Pourrait, en te blessant, venir te décocher.
Puis, ne confie qu’à Moi ton pauvre cœur blessé,
Afin qu’à chaque instant, j’applique, pour le guérir,
Un autre baume, qui de joie te fasse défaillir.