« O mon fils ! Que Dieu nous accorde Sa grâce, à toi comme à tous les Croyants ! Avant toute chose, je te recommande la piété, l’obéissance à Dieu, et le respect de la loi divine.
Comme tu le sais, notre Ordre a pour base le Livre Saint, la sincérité du cœur, la générosité, la libéralité, ne causer tort ou préjudice à personne, patience et endurance dans les épreuves, et le pardon des fautes à tous nos frères de l’humanité.
Je te recommande aussi la pauvreté (pauvreté en Dieu), dans laquelle tu dois puiser les sentiments de vénération pour les vieillards (les cheikhs vénérables) , la bonne intelligence avec tes frères , bons conseils et assistance aux plus jeunes, comme aux aînés , ne jamais laisser paraître aucune hostilité ou inimitié pour quelle cause que ce soit, excepté en ce qui concerne le respect de la religion.
En cette circonstance, apprends aussi, ô mon fils ! que la vérité de la « pauvreté » consiste à ne jamais rien attendre, ni rien demander à ses semblables ; et la vérité de la richesse est de savoir se passer de tous ceux qui sont vos semblables.
En outre, sache que le soufisme est une disposition de l’âme qui ne s’éveille ni sous l’influence des polémiques de grammairiens, ni par leurs palabres sophistiques (Kil et Kal). Ensuite, si tu vois un pauvre, ne l’accable pas de questions et ne t’acharne pas sur lui pour l’initier, mais traite-le avec douceur. Car la science l’effrayera, mais la douceur et la cordialité l’apprivoiseront.
Apprends encore, mon fils, que le soufisme repose sur huit vertus. La toute première est la générosité , la deuxième est le consentement , la troisième la patience , la quatrième est la manifestation (les signes ou les miracles que Dieu accorde) , la cinquième l’exil , la sixième est la solitude, l’habit de souf , la septième est le voyage, la huitième la pauvreté.
La générosité est à l’exemple du prophète Abraham.
Le consentement (la résignation), à l’exemple d’Isaac.
La patience à l’exemple de Job.
La manifestation est pour le Prophète Zacharie. [1]
L’expatriation est à l’exemple de Joseph.
L’habit de souf, la solitude est à l’imitation du Prophète Jean-Baptiste.
Le voyage est à l’exemple de Jésus.(qu’Allah les salue tous)
La pauvreté est à l’exemple de notre Prophète et Maître Mohammed.
Si tu accompagnes les riches, je te recommande, ô mon fils ! de te comporter avec eux avec dignité ; si tu te trouves près des pauvres, parle-leur avec humilité. Tu te dois d’être franc et sincère. Et cette sincérité consiste à oublier que l’on voit des créatures, afin de voir toujours en elles le Créateur.
Ne critique pas Dieu dans les causes, et, en toutes circonstances, appuie-toi sur Lui. Ce qui t’est nécessaire, ne l’attends que de Dieu et ne va pas supposer que parents, protecteurs et amis sont à même de t’en pourvoir.
Tu dois te mettre au service des pauvres avec trois éléments d’action. Le premier est l’abnégation, le deuxième est la bonne grâce dans tes procédés et manières, et le troisième est la cordialité, anéantis en toi la bestialité afin de renaître. Celui qui est le plus proche de Dieu est celui dont le cœur est le plus vaste et le plus généreux. La meilleure des actions est le respect du Mystère Divin….
Lorsque tu te trouves auprès des pauvres, recommande-leur la patience et conseille-leur la vérité.
En ce monde, pour toi-même, deux choses peuvent te suffire, à savoir : la fréquentation, la société d’un pauvre (pauvre en Dieu, fakir) et la vénération d’un saint.
Retiens aussi, ô mon fils, qu’attaquer violemment les inférieurs est une lâcheté ; et s’élever contre les supérieurs est présomption.
Sache que la pauvreté et le soufisme sont deux choses sérieuses, ne les prends pas à la légère.
Voilà mes conseils et recommandations pour toi et pour les adeptes actuels, comme pour tous ceux qui suivront. Que Dieu veuille augmenter leur nombre !