L’oppression exercée par Quraïche, tribu qui gouvernait la cité de la Mecque, était la raison directe de la hijra du Prophète (PSL) et de ses Compagnons (RA). La douzième année de la mission prophétique, douze hommes de la ville de Yathrib (Médine) se rendirent à la Mecque. Ayant entendu le message du prophète (PSL), ils embrassèrent l’Islam et déclarèrent leur foi lors du Premier Serment d’Al-`Aqabah. Le Prophète (PSL) envoya Mus`ab Ibn `Umayr(RA) avec eux à Yathrib pour leur enseigner la religion. Mus`ab (RA) réussit à convertir beaucoup de gens à
l’Islam. L’année suivante, soixante-treize hommes et deux femmes de Yathrib se rendirent auprès du Prophète (PSL) pendant le pèlerinage et lui prêtèrent allégeance, ce fut le Deuxième Serment d’Al-`Aqabah. Ils promirent de le protéger (soutenir) et d’aider les musulmans de la Mecque à se réinstaller dans leur ville.
Persécutés, torturés et empêchés de pratiquer leur foi, les musulmans quittèrent progressivement la Mecque, vers Yatrib par petits groupes. Les premiers immigrés étaient Abou Salama ben Abd Assad (RA) et sa femme Mère de Salama (RA).
Ce fut seulement quelques mois plus tard que Dieu autorisa le Prophète (PSL) à quitter la Mecque. Notre mère Aïcha (RA) rapporte: un jour nous étions assis chez Abou Bakr (RA) au milieu de la journée quand quelqu’un vint lui dire : voici le Messager d’Allah qui arrive voilé à une heure à laquelle il n’a pas l’habitude de nous rendre visite. Abou Bakr (RA) dit : « Puissent mes père et mère être sacrifiés pour le sauver ! Il ne vient que pour une affaire grave… »
Elle poursuit: A son arrivée, le Messager d’Allah (PSL) demanda et obtint l’autorisation d’entrer, puis il dit à Abou Bakr (RA) : « Fais sortir ceux qui sont avec toi ». – Abou Bakr (RA) lui dit : « Ils ne sont que ta famille, puissent mes père et mère être sacrifiés pour te sauver ! » – Puis le Messager reprit : « Je suis autorisé à sortir ». Abou Bakr (RA) lui dit : « L’accompagnement ! » c’est-à-dire : « Je veux t’accompagner, puissent mes père et mère être sacrifiés pour te sauver!». Le Messager d’Allah (PSL) dit : « Oui » – Abou Bakr (RA) dit : « prends l’une de mes montures que voici » – Le Messager d’Allah dit : « Je la prends contre son prix ».
Les Qurayshites avaient préparé alors un complot pour assassiner le Prophète (PSL). Le meurtre fomenté par tous les clans rendait difficile toute vengeance pour la famille du Prophète (encore une idée maléfique d’Abû Jahl). Mais l’Ange Gabriel révéla au Prophète (PSL) et l’informa des intentions des idolâtres d’attenter à sa vie la nuit de son émigration. L’Envoyé d’Allah appela son cousin ‘Ali (RA) et lui demanda de prendre sa place dans son lit et de se couvrir de son drap pour désorienter les comploteurs aux aguets devant sa porte. Comme convenu, il dormit dans son lit, se couvrit de son drap et leurra jusqu’au matin les comploteurs embusqués devant sa porte. Quant au Prophète (PSL), il sortit en toute sérénité de sa demeure, mettant du sable sur la tête exécutant et récitant la parole du Très-haut :
« …Et Nous mettrons une barrière devant eux et une barrière derrière eux; Nous les recouvrirons d’un voile : et voilà qu’ils ne pourront rien voir… » Sourate 36, verset 9.
Lorsque l’aube se leva, les Qurayshites s’introduisirent précipitamment dans la demeure du Prophète (PSL), croyant qu’il dormait encore. Ils virent effectivement un corps couché dans le lit couvert d’un drap. Ils découvrirent le corps et s’apprêtèrent à le transpercer avec leurs épées, lorsqu’ils s’arrêtèrent stupéfait, à la place du Prophète (PSL), il y avait son cousin ‘Ali (RA).
Notre mère Aïcha (RA): « J’ai bien préparé les montures et les ai munies de provisions conservées dans un sac… Asma fille d’Abou Bakr (RA) découpa une partie de se ceinture pour attacher la bouche du sac. Depuis lors, elle reçut le sobriquet de Dhat an-nitaqayn. ».
Aïcha poursuit : le Messager d’Allah (PSL) et Abou Bakr (RA) se rendirent à Thawr et s’y cachèrent pendant trois nuits.
Le fidèle compagnon Abû Bakr (RA) était entré le premier par crainte que le Prophète (PSL) soit mordu par les serpents et/ou les scorpions dans cette caverne déserte puis ensuite dans la caverne Abû Bakr (RA) boucha les deux creux au risque de se faire mordre, le premièr par un tissu et le deuxième avec son pied. Ainsi, Abû Bakr (RA) fut piqué par un scorpion caché dans un trou, Alors que le Prophète (PSL) mettait sa tête sur la jambe de son compagnon, Abû Bakr (RA) préféra souffrir plutôt que de bouger et réveiller le Prophète, mais il n’a pas pu empêcher ses larmes de couler (sous le coup de la douleur de la piqûre). Ce ne fut que quand une larme tomba sur les joues du Prophète, qu’il se réveilla et vit son compagnon en larmes. Par le toucher de sa salive bénie, le Prophète (PSL) soigna son Compagnon de la piqûre du scorpion. On raconte que le Prophète, demanda plus tard au scorpion : « Pourquoi as-tu piqué mon compagnon ? ». Il répondit : « Car il m’a empêché de voir ton visage… ».
Abdoullah fils d’Abou Bakr (RA) la nuit avec eux et les quittait à l’aube pour se retrouver au matin à La Mecque avec les Qurayshites comme s’il avait passé la nuit avec eux. Il écoutait bien tout ce qu’ils mijotaient et profitait ensuite de l’obscurité de la nuit pour rejoindre le Prophète et son compagnon afin de les en informer – Amir ibn Fouhayra (RA), un affranchi d’Abou Bakr (RA), conduisait son troupeau de moutons vers les lieux et les mettait à leur disposition à une heure avancée de la nuit et ils en trayaient du lait puis Amir revenait au cours de la nuit pour les reconduire et il répétait ce geste chaque soir durant trois nuits.
Le Prophète (PSL) et son compagnon (RA) se mirent ainsi dans cette grotte pendant trois jours tandis que les Qurayshites ratissaient les alentours de la Mecque. A un moment, leurs ennemis se tenaient à quelques mètres d’eux à l’extérieur de la grotte, mais Dieu les protégea par des ‘miracles ordinaires’. Une araignée venait en effet de tisser sa toile à l’entrée de la grotte et des colombes y avaient fait leur nid et pondu leurs œufs. Les poursuivants se dirent que personne n’était entré dans cette grotte récemment et ne la fouillèrent pas.
Dieu exalté soit-Il dit dans le Coran à ce propos :
« Si vous ne lui portez pas secours… Dieu l’a déjà secouru, lorsque ceux qui avaient mécru l’avaient banni (sorti), deuxième de deux. Quand ils étaient dans la grotte et qu’il disait à son compagnon : ‘Ne t’afflige pas, car Dieu est avec nous.’ Dieu fit alors descendre sur lui Sa sérénité ‘sakîna’ et le soutint de soldats (Anges) que vous ne voyiez pas, et Il abaissa ainsi la parole des mécréants, tandis que la parole de Dieu eut le dessus. Et Dieu est Puissant et Sage. » Sourate 9, verset 40.
Le Messager d’Allah (PSL) et Abou Bakr (RA) poursuivirent donc leur voyage, conduits par un guide issu des Bani ad-Dil , Il partageait encore les croyances des Quraychites, mais il lui firent confiance et lui remirent leurs montures et lui donnèrent rendez-vous après quatre nuits. Il se rendit auprès d’eux au matin [du jour fixé] et partit avec eux en compagnie d’Amir ibn Fouhayra et empruntèrent une route côtière de manière à fausser compagnie avec leurs poursuivants.
Ibn Shihab dit : « Abd Rahman ibn Malick al-Moudladji, neveu de Souraqa ibn Malick ibn Djou’choum, m’a informé que son père lui avait dit qu’il avait entendit Suoaqa ibn Djochom dire : « Des émissaires des Qurayches vinrent nous proposer un prix (100 chameaux) pour la capture du Messager d’Allah et d’Abou Bakr ». Le prix devait revenir à celui qui les tuerait ou les capturerait. Je me trouvais dans une assemblée de ma tribu Bani Moudladj quand un homme arriva auprès de nous et dit : « Je viens d’apercevoir des silhouettes sur la côte et je pense que c’est Mouhammad et ses compagnons».
Souraqat dit : « J’ai tout de suite compris que c’était bien eux, mais j’ai dit à l’homme : non, ce ne sont pas eux, tu as dû voir Un tel et Un tel partis pour nous renseigner ». Je suis resté un peu de temps dans l’assemblée puis je me suis levé et suis rentré [chez moi] et j’ai donné à mon esclave l’ordre de sortir mon cheval et de le conduire vers des arbres [environnants] pour le cacher en attendant mon arrivée. Et puis j’ai pris ma lance et ai quitté la maison à partir de son côté arrière et ai traîné la lance tout en maintenant sa pointe très bas. Et puis je suis monté sur mon cheval et l’ai éperonné. […] Le cheval m’a rapproché du Prophète (PSL) de sorte que j’entendais sa récitation du Coran. Le Prophète ne regardait pas derrière lui contrairement à Abou Bakr (RA) qui, lui, le faisait souvent. Quand je me suis rendu auprès d’eux après avoir été confronté à des entraves, j’ai eu le pressentiment que le message du Prophète (PSL) triompherait. Je leur ai dit que sa tribu avait mis sa tête à prix et leur ai raconté ce que les gens voulaient faire d’eux et leur ai proposé des provisions, mais ils n’ont rien voulu prendre de moi et ne m’ont rien demandé, mais il (le Prophète) a dit : « Observe la discrétion à notre égard ». Je lui ai demandé d’écrire son engagement à garantir ma sécurité et il a donné à Amir ibn Fouhayra l’ordre de l’écrire sur un bout de peau. Et puis le Messager d’Allah partit en lui promettant la couronne de césar du Rome, quand sayidona Omar (RA) a coquerie Rome il a donné à Souraqa ce que le prophète lui a promis.
Quand les musulmans de Médine apprirent que le Messager d’Allah (PSL) avait quitté la Mecque, ils se rendirent chaque matin à la Harra et l’attendaient jusqu’au moment de l’intensité de la chaleur de la journée puis ils rentraient chez eux. Un jour ils rentraient après une longue attente quand, arrivés chez eux, ils furent alertés par un juif qui était monté sur une forteresse pour chercher une affaire. Car il aperçut le Prophète et ses compagnons tout de blanc vêtus et il ne put s’empêcher de crier à tue-tête : « Ô peuple arabe ! Voici votre chance que vous attendiez ».
Au-delà d’un événement historique qui a certes sa portée théologico-éthique, comme nous venons de le voir, la hijra porte en elle une grande symbolique, celle du cheminement de l’âme vers la paix, la félicité et le Salut, par la rencontre de Dieu. La paix et la sécurité du chemin est un préalable pour un tel voyage, qui est essentiellement celui de coeur vers son Seigneur. Aussi « Le muhâjir, c’est celui qui quitte ce que Dieu a demandé d’abandonner », pour reprendre le sens d’un hadith du Prophète. Cette hijra existentielle, morale et spirituelle, mène en effet le cheminant (as-sâlik) à la découverte de son Seigneur. Et comme tout grand voyage décisif dans une vie, elle contient plusieurs d’étapes, remplies d’obstacles. Le muhâjir, le migrant, ne pourra faire l’économie de la traversée de son propre désert intérieur. Le plus court chemin exige le renoncement à l’Ego (tarku an-nafs). Il est certes le chemin le plus dur, mais obligé. Il demande le don et l’abandon de soi. Seule une âme qui éprouve un intense amour pour Dieu est prête à effectuer ce saut, lequel pourrait paraître de l’extérieur périlleux alors qu’il est au fond salvifique.