Comment les sciences islamiques peuvent- elles aider le musulman à s’intégrer et s’épanouir dans le contexte français, comment le musulman peut-il se servir de ces outils pour rayonner en son fort intérieur et en société ?
En cet événement deux intervenants nous ont fait l’honneur de leur présence :
Abd el Wadoud Gouraud et Tayeb Chouiref.
Abd el Wadoud Gouraud, enseignant et directeur de l’institut An-Nour de Cergy, membre de l’institut des hautes écoles islamiques «Al Ghazali» nous a sensibilisé dans un premier temps à l’importance de la quête de sciences par certains hadith prophétiques tels que : «La quête des sciences est un devoir», «Cherchez la connaissance même s’il faut se rendre en Chine» ou encore «l’encre des savants vaut mieux que le sang des martyrs..»
Il a ensuite insisté sur le fait que nous avons été créés pour connaître Dieu et comme le disait Al Ghazali «La connaissance la plus utile c’est la connaissance de Dieu».
Il faut aller vers les sciences, sciences utiles, pour le salut dans ce monde et dans l’autre monde, utiles dans la responsabilité de chacun pour se comporter en société.
On retrouve 3 dimensions de la religion sur lesquelles sont basées des sciences centrales en Islam : la science du Fiqh (jurisprudence de l’Islam) qui concerne la dimension extérieure du comportement, El ‘Aqida (science de la foi) et la science du coeur, la spiritualité (tassawuf, soufisme).
On peut apprécier ces trois dimensions dans ce que nous enseigne le fameux hadith Gibril :
‘Omar qu’Allah l’agréer a rapporté :
«Un jour, alors que nous étions assis auprès du Messager de Allah , un homme vêtu d’habits d’une blancheur resplendissante et aux cheveux très noirs se présenta à nous. On ne voyait sur lui aucune trace de voyage et personne parmi nous ne le connaissait. Il prit alors place face au Prophète, plaça ses genoux contre les siens, posa ses paumes sur les cuisses du Messager et lui dit : « Ô Mouhammad, informe-moi sur l’Islam. »
Le Messager de Allah dit alors, ce qui signifie :
– « L’Islam, c’est que tu témoignes qu’il n’est de dieu que Allah et que Mouhammad est Son Messager, que tu accomplisses la prière, que tu t’acquittes de la zakat, que tu effectues le jeûne de Ramadan et que tu fasses le Hajj, pour celui qui le peut. »
– « Tu as dit vrai. » lui répondit son interlocuteur et nous fûmes étonnés, il l’interroge et ensuite il atteste de sa véracité, puis il reprit :
– « Informe-moi sur la foi. »
Le Prophète dit, ce qui signifie :
– « La foi, c’est que tu aies foi en Allah, en Ses Anges, en Ses Livres, en Ses Messagers et en le Jour Dernier. Que tu aies foi aussi en la destinée, que cela concerne le bien ou le mal. »
– « Tu as dit vrai. » dit encore l’homme et il reprit : « Informe-moi sur al-‘ihsan. »
– « Al-‘ihsan consiste à adorer Allah comme si tu Le voyais, car si tu ne Le vois pas, certes, Lui te voit. » répondit le Prophète.
– « Informe-moi au sujet de l’heure du Jour Dernier. » dit encore l’homme.
– « Celui qui a été interrogé n’en sait pas plus que celui qui l’interroge. » répondit le Prophète.
– « Alors, parles moi de ses signes annonciateurs » dit-il.
Et le Prophète lui répondit :
– « Ce sera lorsque la femme esclave donnera naissance à sa maîtresse, lorsque tu verras les va-nu-pieds, mal vêtus, nécessiteux qui gardent les troupeaux se faire élever des constructions de plus en plus hautes. »
Puis il partit, et plus tard le Prophète dit, ce qui signifie :
– « Ô ^Oumar, sais-tu qui m’interrogeait ? »
– « Allah sait plus que tout autre et son Messager sait plus que nous. » répondis-je
– « C’était Jibril, venu vous enseigner votre religion. »
Rapporté par Mouslim
Abd el Wadoud Gourraud a terminé son intervention en partageant la vision de certains savants qui conseillent face à toutes les sciences de privilégier les sciences du coeur. Il faut un usage saint de la raison pour ne pas tomber dans une vision «littéraliste» qui ne s’attache qu’aux sciences de la jurisprudence.
«Les sciences utiles» sont celles qui augmentent en nous la crainte et la dépendance de Dieu».
Nous avons eu le plaisir d’entendre dans un second temps Tayeb Chouiref, docteur en islamologie, conférencier et auteur de «Citations coraniques expliquées», «Lire et comprendre le Coran» ou encore «Les enseignements spirituels du prophète».
Reprenant le hadith Gibril, Tayeb Chouiref nous a rappelé que les sciences islamiques s’organisent autour des 3 domaines : el Islam (science de la jurisprudence), el Iman (sciences de la Croyance), el Ihsan (soufisme).
Avant que des grands savants comme Abu Hanifa ou l’Imam Malik s’attellent à construire une méthodologie pour transmettre les sciences de la religion, tous ces domaines étaient des réalités sans noms. La pratique, compréhension et le vécu de la Révélation prophétique se transmettaient rigoureusement mais sans pour autant porter de noms.
Il est important de connaître l’histoire des sciences quand on les étudie et comment elles se sont construites afin d’éviter d’être «prisonnier des définitions».
Un savant a dit ceci mais il aurait pu exposer cette information d’une autre manière sans pour autant en changer la véracité.
«La divergence est une richesse et une noblesse dans les sciences islamiques.»
Le vécu prophétique a duré 23 années, les sciences islamiques ne prétendent pas le remplacer mais elles sont un point de repère pour pressentir ce qu’a été le vécu de la compagnie du prophète (paix et prières sur lui).
Il faut rester fidèle à l’intention première, ne pas s’enfermer dans le carcan des sciences et tomber dans le sectarisme.
Tayeb Chouiref nous a cité ces paroles de d’Al Ghazali (surnommé «la preuve de l’Islam»)pour appuyer l’idée que celui qui développe la sciences du coeur ne perdra pas de vue le but en étudiant les sciences en détail :
«Étudie le minimum essentiel des sciences islamiques pour que tu puisses accomplir ta pratique religieuse puis arrête-toi à ce minimum essentiel et développe ta spiritualité, ton intériorité, ta relation à Dieu, relation à l’autre, ta connaissance du coeur, puis, si tu as pour vocation d’approfondir des sciences islamiques pourquoi pas.»
Al Ghazali qui est l’auteur de «La revivification des sciences de la religion» était un génie théorique, grand savant reconnu et qui a vécu un vide intérieur et s’est retiré dans une retraite spirituelle à la découverte de lui-même. Il cite «J’ai redécouvert le sens de toutes sciences islamiques que j’ai étudiées».
Ainsi, la spiritualité, le tassawuf est, selon certains maîtres, «la sciences par excellence» par laquelle les autres sciences vont pouvoir porter leurs fruits.
Voici en guise de conclusion de cette magnifique rencontre le rappel d’un hadith cité par ce dernier intervenant :
«Un homme qui était récemment converti à l’Islam vint voir le prophète (paix et salut sur lui) :
- Ô prophète, enseigne moi et récite-moi le Coran.
Le prophète (psl) lui récita la sourate «le tremblement» (sourate 99) dont les dernier versets sont : «Quiconque fait un bien fût-ce du poids d’un atome, le verra, et quiconque fait un mal fût-ce du poids d’un atome, le verra.»
- Cela suffit ô envoyé de Dieu.
Les compagnons s’interrogèrent sur cet homme et le prophète (psl) de dire «Voyez cet homme, il s’en est allé et maintenant c’est un savant. Il a pris ce verset comme guide pour toute sa vie».
Nous retrouvons dans ce hadith un bon résumé de ce que nos deux intervenants nous ont généreusement transmis à savoir l’importance de la «science utile» et notre «intention première», à ne pas perdre de vue dans cet océan de savoir que Dieu nous Demande d’explorer pour notre salut d’ici bas et dans l’autre monde.
Un musulman qui veut s’épanouir dans sa société peut suivre ce dicton quelque peu modifié «un esprit saint avec un coeur saint.»