An-nafs (l’âme, la psyché) et ar-rûh (l’esprit) sont deux noms désignant une seule et même chose; faite de l’essence même de la lumière, mais Dieu est plus savant. Elle se dédouble, cette chose, en vertu de deux qualités opposées, qui sont la pureté et le trouble, car la nafs, tant qu’elle subsiste, est troublée, et c’est sous ce rapport qu’elle porte son nom; mais si son trouble disparaît et qu’elle devient pure substance, elle est vraiment appelée rûh. Nous voyons d’ailleurs que les deux s’attirent mutuellement, car ils sont proches l’un de l’autre, et tous les deux sont en principe doués de beauté, de vertu et d’équilibre.
Or, si Dieu veut sanctifier un de Ses serviteurs, Il marie en lui esprit et âme, c’est-à-dire, Il fait que l’un prenne possession de l’autre, ce qui se produit quand l’âme revient de ses passions qui l’avaient éloignée de sa vraie parenté et de sa patrie, qui l’avaient arrachée de sa vertu, sa bonté, sa beauté, sa noblesse, sa supériorité et son élévation et de tout ce dont son Seigneur l’avait comblée, jusqu’à ce qu’elle niât sa propre origine et ne pût plus la sonder; or, si elle ne reste plus dans cet état mais le quitte et en revient entièrement, l’esprit la transporte et lui transmet ses vérités et secrets que Dieu lui inspire, et qui n’ont pas de fin. Dans la mesure même où elle quitte ses passions, se renforce l’effusion de l’esprit de la part de son Seigneur, de sorte que les noces de l’esprit et de l’âme se multiplient, ainsi que leurs fruits, à savoir les sciences infuses et les actions qui en naissent. La jouissance de cela ne peut que porter l’homme à contrarier l’âme (passionnelle) et à entraîner celle-ci malgré ses répulsions, ses rebuffades et ses exécrations, car un tel comportement est rendu facile à l’homme par tout ce qu’il y voit de « lumières », « secrets » et « profits’ spirituels.
L’Esprit (rûh) est de nature lumineuse, issu de l’essence même de la lumière (mais Dieu est plus savant). Or l’on sait sans aucun doute que Dieu « saisit une portion de Sa lumière et lui dit: sois Muhammad » . C’est ainsi qu’Il (l’Esprit) devint, et de sa lumière furent créées toutes choses; comprends cela. Or, l’Esprit n’est rien d’autre que l’âme (nafs), qui ne se troubla que parce qu’elle s’appuie sur le monde de la corruption; si elle quittait ce monde et s’en séparait, elle rejoindrait la patrie dont elle est venue, à savoir la Présence seigneuriale. Le vénérable maître, le saint Abu Zayîd ‘Abd ar-Rahmân, le fou de Dieu (2) dit au sujet d’elle:
« D’oû viens-tu, ô toi douée d’esprit, Embrasée d’amour, spirituellement, Immobile dans le déploiement de ta gloire, Seigneuriale dans tous tes états? »
(1) Parole du Prophète (hadith).
(2) AI-majdhub surnom du célèbre soufi et poète marocain ‘Abdur-Rahmân al-Majdhûb, un des pôles de la chaîne shâdilite. Il vécut au 16e siècle.
Source : soufisme-fr.com